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Séance chez le psy

  • Photo du rédacteur: Marine Sch.
    Marine Sch.
  • 6 juil. 2022
  • 7 min de lecture

C’est compliqué de parler à un psy. Il vous ouvre la porte, vous fait asseoir et vous demande :

-Comment ça va ?


Sous-entendu : comment ça va depuis la dernière fois que nous nous sommes vus ?

Au début, vous répondez que ça va. Mais comme le silence s’installe, vous vous sentez gêné. En plus, le temps vous est compté. Il vous est même financé ! Alors il faut le rentabiliser et dire encore quelque chose mais quoi ?


Et puis quand bien même l’argent n’entrerait pas en jeu, c’est bien connu : chaque seconde de votre vie est importante ! Ce n'est donc pas "il faut" mais "vous devez" : vous devez vous efforcer de trouver quelque chose à dire. Et le plus rapidement possible !


Vous êtes quelqu'un de sérieux, soucieux aussi de bien faire, alors vous cherchez et restez encore silencieux quelques minutes. Enfin, vous vous lancez !


Vous répétez d’abord que ça va puis vous ajoutez un « mais … ». Vous suspendez votre souffle pour vous assurer que votre auditeur est prêt à entendre la suite. Oui ?


Oui.


Alors vous commencez par relater un événement anodin de votre semaine mais le premier qui vous est venu à l’esprit. Ça ne vous semble pas important mais c’était la première fois que ça vous arrivez alors pourquoi pas le partager ?!

Et puis, ça comble le vide ! Ce fameux vide des débuts de séances chez le psy.


Votre psy, justement, finit par lever la tête de son bloc notes. Il vous regarde. C'est que vous avez cessé de parler ... Logiquement, c’est à son tour de dire quelque chose. Mais il ne sait pas. Alors il se contente de réagir en acquiesçant la tête.

C’est mieux que rien, estimez-vous.

Vous êtes indulgent ! Vous êtes surtout le patient et prenez ce que le thérapeute veut bien vous donner.


Votre psy fait donc un mouvement de la tête qui n’a pas d’autre but que de vous encourager à continuer à parler. Il n'a pas dû encore trouvé l’élément de votre récit sur lequel rebondir ... L’élément qui a bien souvent rien à voir avec votre sujet mais sur lequel, malgré tout, vous devez sans plus attendre vous questionner.


-Nous allons devoir travailler ce point ensemble.


Vous ne savez pas ce qu'il entend pas "travailler" mais vous n'êtes pas difficile. En fait, vous êtes prêt à tout supporter pourvu que le nombre de séances chez le psy soit le plus petit possible.


Enfin, pour le moment, cet élément rêvé n’a pas encore été relevé. Votre psy aujourd’hui n’est pas dedans : il n’a pas encore trouvé la question qui va, à vous; vous permettre de réfléchir et, à lui, de terminer sa séance sans trop se mouiller.

Chers lecteurs, je n’ai rien contre les psy. Sinon, je n'en verrai pas moi-même un !

Parler à un psy fait du bien. Parler à un psy me fait du bien. Dommage qu’il faille payer pour être écouté …


Personnellement, pendant longtemps, à cause de cet aspect financier, je me suis refusé des séances chez le psy. Et encore aujourd’hui, celles que je prends sont remboursées par l’assurance maladie (merci le Covid et la détresse psychologique qui en découle … ).

En fait, j’ai aussi mis du temps avant de consulter parce que j'étais persuadée que mes amis et ma famille me suffisaient. N'étaient-ils pas tout aussi capables qu'un psy de m’entendre me raconter ?


Si, mais aujourd’hui, j'ai compris que ce n'était pas pour autant leur rôle. Chacun a ses soucis, ses moments de out comme on dit, ainsi les proches ne peuvent pas être présents pour vous dès que vous le souhaitez, tout comme vous vous n’êtes pas disponible h24 pour eux ! Et c’est normal. Et c’est pour cela que les psy existent !


Votre psy avec son planning et le créneau horaire qu’il vous alloue est capable de vous écouter.

Mais voilà, ce n’est pas évident de trouver quoi dire à son psy.

Des fois, je me fais une liste des sujets à aborder mais dès que je suis dans le fauteuil face à lui, plus rien ne me vient, alors je suis obligée de réfléchir, de recherche dans ma semaine un truc soit-disant intéressant à relever.


Souvent, je commence par parler de mes élèves. Je passe du bon temps avec eux :


-Ça va, dis-je donc.



Silence.


-Ça va mais ..

Mais ils ne sont pas tous les jours faciles et puis la vie, ça ne se résume pas au travail.


-Les amours alors, comment ça va ?

L’occasion était belle. Le psy l’a saisie : bravo à lui !


-Ça va, je réponds encore.


Silence.


-Ça va mais …

Mais je suis compliquée. J’ai besoin d’amour mais aussi de liberté. J’ai besoin d’être rassurée tout en restant indépendante. Il faut me vouloir pour me supporter.


-Et il vous veut ?


-Pour l’instant, on dirait que oui. Pour l’instant, on dirait que mes qualités prennent le dessus sur mes sauts d’humeur et nos petites embrouilles.


-C’est bien.


J’acquiesce. J’aimerais que mon interlocuteur développe sa validation ...


Mais il se tait.


Je ne veux pas regarder ma montre, mais évidemment je me doute que les minutes défilent et que bientôt mon psy va sortir son agenda pour vérifier notre prochain rdv. Qu'ai-je d'autre à dire ?


Je prends une inspiration et ajoute :


-Oui, c’est bien d’être aimée et d’aimer. Mais vous savez, moi, j’ai peur que ça ne dure pas. J’ai peur qu’il se rende compte que je ne suis pas assez bien.

Qu’est-ce que j’entends par assez bien ?

La question me vient toute seule. Je pourrais peut-être envisager de devenir psy après une carrière dans l’enseignement ?


J’hésite quand même à poursuivre mon monologue, à être mon propre thérapeute ... Mais comme je n’ai rien à perdre, l’argent de la séance étant prêt à être donné, je poursuis :


-Pas assez … bien. En fait, dis-je pour compléter, j’ai peur que d’autres filles finissent par lui plaire plus que moi.

Tout en énonçant ces mots, je me rends compte de l’absurdité de mes pensées. Car évidemment que d’autres filles sont à même de séduire mon copain ! Mais c’est ainsi. Je le savais avant de m’engager dans la relation ...

En fait, je le sais depuis toujours puisque je n’ai jamais eu une grande confiance en moi. Ce n’est pas maintenant que je vais lutter contre la moitié de la population du monde, que je vais me livrer à un combat perdu d’avance. Non !


Alors, je vais plutôt prier ? Prier pour qu’il reste. Pour qu’il reste avec moi. Pour qu’il demeure aveugle ou plutôt insensible aux autres êtres de genre féminin.


Je baisse des armes que je n’ai jamais dressées. Je me contente d’être moi. C'est encore plus simple.

En étant moi, j’agis et je pense en faisant de mon mieux. Je ne cherche pas la perfection (j'essaie en tous cas) car elle me détruit et fait ressortir ce qu’il y a de moins bien en moi.

En étant moi, j’espère que ça suffira mais j'ose car je veux que mon copain soit libre. Libre de m’aimer comme de partir. C’est un principe que je défends. Peut-être à mes dépends mais qui sonne juste en moi.


Je veux de la liberté dans chaque domaine de ma vie car c’est elle qui rend les choses précieuses. Ce que l’on reçoit des autres est en effet dans ces cas-là donné gratuitement, sincèrement, volontairement !

L’amoureux libre qui reste, c’est celui qui nous choisit, nous et pas une autre, qui nous choisit parmi les autres. Celui qui, quoiqu’on pense, estime qu’on est assez.

"Assez bien" même pour lui plaire et nourrir son amour.


En fait, chez mon psy, je dialogue toute seule.

Mais ce n’est pas grave : au moins, ainsi, mes pensées se traduisent en mots, je libère mon cerveau de leur emprise et deviens plus légère.

Plus à même aussi de retrouver mes amis, ma famille et même mon amoureux sans les embêter avec mes questionnements philosophiques !


Mais ce partage parfois me fait sentir comme toute nue. Je l’ai reconnu après les trente dernières minutes de psychothérapie dont j’ai eu droit.


-Je me sens comme dépossédée de mes expériences dès que je les partage avec vous. Ce n’est pas agréable. C’est même embêtant car alors mon "ça va" initial se transforme en "ça ne va pas" ...


-Ce n’est pas agréable car vous vous trompez sur votre manière de voir le partage. Ce n’est pas parce que vous dites des choses sur vous qu’elles ne vous appartiennent plus.

Celle qui a vécu ces moments que vous me racontez, ça reste vous. L’héroïne, c’est le personnage principal, l’auteur à la limite aussi, mais pas le lecteur-auditeur. L’héroïne de votre vie, c’est vous.


Bon, pour une fois que mon psy aligne plus de trois mots, je vais le croire. Il n’a peut-être pas tort. Même s'il n’a pas dit les choses exactement comme ça ! Je vous l'avoue : le terme "héroïne" est de moi. Mais c’est parce qu’être la Wonder Woman de ma vie me plaît bien que, quitte à retranscrire des mots, je me permets d'utiliser ceux qui me parlent le plus.


En fait, j’ai beau allez chez le psy, c’est à vous que je me raconte le mieux. Je garderai toujours une part de mystère, mais dans le fond ce sont mes lecteurs mes meilleurs confidents. Je ne suis pas sûre que ce soit un cadeau mais si vous m’avez lu jusqu’ici, c’est que ce n’est pas si désagréable que ça … En effet, je ne vous ai pas payés pour rester. Je vous ai encore moins mis le couteau sous la gorge. Alors, la petite Marine qui voit un psy, elle a quand même des gens sur qui compter ?

Même si elle ne sait pas qui ils sont et n’échange pas réellement avec eux, elle leur est reconnaissante pour leur intérêt. Ils s’accrochent jusqu’aux derniers mots tout comme elle, elle va au bout de ses séances chez le psy.


À un thérapeute, vous ne dites pas tout. Vous racontez aussi les choses à votre manière et c’est normal : vous apprenez à vous connaître tout en extériorisant. Et c’est plutôt cool ça : de ne jamais se connaître totalement soi-même, en effet, ça veut dire que vous aurez toujours quelque chose à revisiter dans votre vie. Et moi, ça veut dire que j’aurais toujours des textes à écrire !


Mais rassurez-vous, la séance chez le psy, je ne vais pas vous la faire à chaque fois que j'y vais. En plus, le « -Comment ça va ? -Ça va. », vous le connaissez déjà bien : c’est le stéréotype même du rendez-vous sur le divan. Comme je ne fais pas exception à la règle, je vais vous épargner mes prochaines discussions sans queue ni tête. Mais c'est dit : je vois un psy et il n'y a pas de mal à ça.


En fait, cela montre juste que je suis assez banale comme fille !

Mais banale, il paraît que c’est bien.

Et « assez » plus « bien », ça fait « assez bien » ! Ainsi ne serais-je pas depuis toujours pile ce que je veux être, à savoir quelqu’un d’assez bien ?

Quelqu'un d'assez bien pour vivre une vie heureuse.

Si ?

Si.


Marine Sch.

 
 
 

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