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Remplaçante non merci !

Impossible de lire une ligne : sans même poser la main sur ma poitrine, je sens mon cœur battre la chamade. Non, je ne suis pas amoureuse. Je stresse.

Je stresse à ne rien pouvoir faire d'autre.


Je stresse car à tout moment l’inspection peut m'appeler pour m’envoyer dans telle école, auprès de tel public.

Travailler dans ces conditions : dans l’incertitude la plus complète - j’ai quand même seize écoles et huit niveaux à disposition -, me paralyse tout en accélérant à l’intérieur de mon corps le rythme de fonctionnement de certains de mes organes. Pourquoi moi ? Je n’ai pas envie de revivre cette expérience les quatorze journées qui me restent avant la fin de l’année scolaire avec ce statut de "remplaçante" ! Quatorze journées, ce n’est pas énorme ? Moi, je trouve que si. En effet, j'ai une angoisse qui est telle que j’ai du mal à respirer pendant tout le trajet en métro - car en plus d’être un bouche-trou, je le suis à une heure trente de chez moi.


Ce qu’on me demande de faire depuis aujourd'hui les lundis et les mardis ne correspond pas au travail que j’ai cherché à obtenir en étudiant et en passant le concours de professeur des écoles. Ainsi, je me sens prise au piège et inconsidérée. Je veux ma classe ! Une année entière ! Pour une seule rentrée par an ! Pour la première fois de ma carrière ...

Aujourd’hui, je ne me sens plus à ma place. Je le serai de nouveau un petit peu le jeudi et le vendredi mais je ne suis définitivement plus LA maîtresse des CM2 b : j'ai été coupée en deux, mi-maîtresse mi-remplaçante, et comme toute déchirure, ça fait mal, je le regrette. Autrement dit, mes élèves me manquent. Je me plains ? Oui et j’assume. Est-ce que cela vous enchanterait vous de changer de vie tous les trois matins ? Alors que vous n’avez rien demandé à personne ?! Alors que ce n'était pas clairement prévu dans votre contrat d'embauche ?! Vous retrouver devant 25 voire 30 inconnus âgés de 3 à 10 ans que vous devez occuper intelligemment pendant 6 heures, ça vous dirait ? Si oui, sachez que je cède volontiers ma place ! Ce n’était pas le paradis là-bas, chez les grands, avec mon Djibril et mon Kader mais j’avais mes habitudes ... Mon petit confort. Ça avait quelque chose de rassurant.


Je faisais du mieux que je pouvais avec comme appuis mes fiches préparées consciencieusement à la maison avant de venir. Je savais quoi faire et en cas d'imprévu, j'avais toujours dans mon sac une activité en plus, applicable tout de suite.

Je ne partais pas travailler la boule au ventre, à reculons, les larmes aux yeux.


Je n’avais pas tendance à allumer et éteindre mon portable toutes les secondes, parce que je suis prête puis plus prête à recevoir l’appel fatidique de mes supérieurs. Vous l’avez compris : moi, ca ne me plaît pas d’être plongée dans l’inconnu professionnellement parlant. Et quand j’ai été diplômée de l’Education nationale, je ne pensais pas qu’avoir cette casquette de remplaçant était possible, malgré mon non-vouloir. Sinon je ne serai pas là ? Peut-être pas quand même ... mais bon, je serai certainement moins angoissée, plus dans l'acceptation. Là, je suis triste et déçue. Aventurière je peux l'être quand il s'agit de s’amuser, de se changer les idées. Aventurière pour découvrir de nouveaux paysages, de nouvelles personnes sans avoir de responsabilité, simplement pour lâcher-prise, je tente l’expérience !

Mais aventurière au sein de son travail afin d'enseigner à de petites femmes et de petits hommes dont j’ignore complètement le niveau actuel des apprentissages, je passe mon tour. En plus du côté intellectuel que mon métier attend de moi dès le premier pied mis dans la classe de la maîtresse absente, il y a tout le plan sécuritaire que je dois assurer : sécuriser des enfants dans un établissement dont j’ignore la structure et les règles ... Bonjour les mauvaises surprises !

Sécuritaire aussi pour moi car je me retrouve devant des chenapans qui vont tester mon degré de fermeté, qui vont me chercher et qui, s'ils ne me trouvent pas, vont instaurer un climat de classe infernal.

"Impose-toi d’entrée de jeu", me dit-on, oui mais ça ne me correspond pas ... Et quand bien même je voudrais bien jouer ce rôle, je ne sais pas faire ! Il y a des avantages dans cette manière de travailler, je vous l'accorde. Par exemple, il y a moins de préparation puisqu'on ne sait pas à l'avance sur quoi on va tomber, moins de correction aussi et enfin moins de prises de tête avec certains enfants.

Mais, chez moi, le côté négatif prend le dessus. C’est physique : j’ai beau me raisonner, la boule et le manque d’air demeurent. Être organisée, avoir du temps pour me préparer me rendent plus sereine, plus disponible aussi pour passer du bon temps avec les enfants. Il est 8h10, pas de nouvelle, bonne nouvelle ? Je ne crois pas que rester à ne rien faire dans une école me convienne non plus ...

Je suis désolée : je suis paradoxale mais si je me suis levée, autant que je serve à quelque chose, non ? Si j’ai tout ce stress depuis mardi soir et durant ce long week-end de cinq jours, autant qu'il soit justifié, vous ne croyez pas ?


8 h15 : mes lamentations ont été entendues, je dois être dans 5 min dans une classe de ... Grande Section, à l'autre bout de la ville.

Ça commence bien : je dois être quasiment à deux endroits opposés au même moment.

Et j'ai un niveau que je n'ai jamais eu.

Des maternelles en plus de ça.

Génial !



Génial ou non, c'est parti : il n'y a pas une minute à perdre. Je vais faire du mieux que je peux et ça ira ?!

Ce sera toujours mieux pour les enfants de m'avoir moi que pas d’enseignant du tout ?!

Si vous le dîtes.

Marine Sch.

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