Partie de foot avec les garçons

Hier, mardi 5 juillet, on a joué au foot. « On » c’est-à-dire mes élèves garçons (c’était leur jour de balle) et moi, leur maîtresse (c’était mon créneau de service et tant qu’à surveiller la cour autant la surveiller sur le terrain-même où ont lieu la majorité des histoires : le terrain de foot, non ?!).

Je n’ai pas à chercher dans quelle équipe je suis - je n’irai pas jusqu’à dire que mes élèves se sont battus devant moi pour moi (même si je joue, je n’oublie pas mon rôle premier de surveillance et donc je le fais bien) - mais les enfants ont eu du mal à se mettre d’accord !

En fait, ils ont dû faire appel aux capitaines. Ken et Hichem finissent pas « prendre » la maitresse avec eux, contre Mehdi, Swan et Sandro.

Je ne suis pas sûre qu’ils aient fait le bon choix, mes deux compétiteurs, mais bon, je ne vais pas faire la difficile !

Je ne doute pas des capacités sportives de Ken et de Hichem (je suis professeur de sport aussi donc je les vois en cours : courir, sauter, lancer pour cette période d’athlétisme et les performances sont au rendez-vous) mais sur les miennes par contre, je ne miserai pas. Enfin, ils ont fait leur choix, ce n’est pas moi qui vais me plaindre.

Les deux garçons me mettent au goal, encore une fois, je me plie à leur décision, bien que sceptique : ils veulent vraiment perdre ou quoi ?!

Ou alors ils veulent se surpasser pour épater la maîtresse ? Mais j’ai rendu les bulletins hier, est-ce encore nécessaire ?!

Les pauvres, ils n’ont pas compris que j’étais un malus bien plus qu’un atout dans leur équipe. J’ai beau le leur dire c’est au bout du troisième but marqué par l’équipe adverse qu’ils se rendent à l’évidence et me sortent des cages.

À présent, il faut remonter le score, il n’y a pas une minute à perdre, la maîtresse que je suis va bientôt sonner la fin de la récréation et avec la fin du match …

Mes coéquipiers sont un petit énervés mais ce n’est pas faute de les avoir prévenus ! Même en appelant Ambre à ma rescousse et en instaurant le droit exceptionnel de mettre deux goals au lieu d’un seul (je ne suis pas maîtresse pour rien), le ballon nous a échappé plus d'une fois pour filer droit dans nos buts ...

Pour notre défense, il faut reconnaître que Mehdi n’y allait pas de main morte. Il prenait même un certain plaisir à foncer sur nous, la balle aux pieds ...

Il y mettait tout son cœur, ce petit garnement, pour cadrer ses tirs et donc viser la maîtresse ! Vengeance ? Une vengeance qui se mange froid alors, car les bulletins sont verrouillés à présent : plus personne n’a le droit d’y toucher !

Un but, deux buts, trois buts ... Je lui avais pourtant dit de faire attention à ma jupe blanche ! Et puis, les passes, l'esprit d'équipe, ils sont où ?! Lui qui se rêve footballeur, c’était le moment de faire ses preuves ! Et pour le coup, j'ai surtout vu la balle m'arriver droit dessus ... puis une autre qui me frôle la tête avant de rebondir sur le poteau et, comme par hasard, de s'arrêter entre la ligne blanche et le filet - autrement dit dans mes cages (dans nos cages, moi, je partage !).

Le troisième but, je ne l'ai pas vu venir. Le ballon s'est retrouvé derrière moi, au-delà du filet. Sortie ? Non, non, le point est là, c'est juste le filet qui est troué de partout (bon j'aurais essayé).

Ken et Hichem ont meilleur état d’esprit que moi : sans plus attendre, ils remettent la balle en jeu au centre du terrain. Ambre et moi, nous sommes donc délogées de nos fonction : direction l'attaque.

Cette fois je ne dis rien : je n’aime pas perdre, alors j’ai la niaque, alors j'y crois.

Mais la niaque d'une maîtresse ne semble pas suffisante. Swan me dribble. Avec grande joie, soit dit-en passant : aucun n'a donc pitié de sa pauvre enseignante ?!

Malgré tout, je ne lâche rien : je me mets devant Sandro pour éviter qu'il ait le balle. Mais il a la balle ... et se dirige vers ... mon camp, vers mes buts, vers nos buts !

Allez les garçons, dis-je pour encourager mon équipe. Pour les inciter aussi à rattraper le coup ..

Allez Ken, tu es le meilleur ! En fait, ils auraient dû me prendre comme pompom girl. Mon élève, qui est dans l'obligation d'être à la fois défenseur et goal, arrête la tentative de tir de Mehdi.

Ouiii !

Sans perdre une seconde, il fait la passe à Hichem qui entame le sprint de la dernière chance.

Et ... et ... BUT !!!

Hichem court sur le terrain, les bras en l'air. Il est content et me sourit : sans rancune, Hichem ?

Ken vient à sa rencontre et les deux amis, les deux réels joueurs de l'équipe, se sautent dans les bras.

Ambre et moi, on se réjouit de notre victoire (le partage, on se souvient : c'est précieux !). On se dit que l'’important, c’est de participer mais que c’est encore mieux quand on gagne.

Enfin quand on ne perd pas lamentablement … car au final, il faut l’avouer, un but contre 3 n’accorde pas la victoire. Même au foot ou parfois on ne comprend pas très bien ce qui se passe : les moins forts sortant les favoris ...

Quoiqu’il en soit je me suis bien amusée ! Enfin je veux dire, j’ai bien surveillé la cour : pas de blessé et pas de dispute entre les CM2. Bravo Madame Sch. !

Est-ce que les enfants se sont mieux tenus que d’habitude parce qu’une joueuse hors pair se trouvait parmi eux ? Ou bien s’agissait-il tout simplement d’un bon jour ? Le premier et le dernier de cette année ?

Peu importe la réponse, j'ai profité.

J'ai profité de ma séance de foot mais surtout de ma classe à petit effectif. Et aussi de ce Ken qui vient de lui-même me taper dans la main et me dire :

"Bien joué, maîtresse !".

Décidément cet enfant, il n’aura pas arrêté de me surprendre au cours de cette année scolaire. J’étais partie avec des a priori sur lui et aujourd'hui, il est certainement mon élève garçon préféré.

Ken n’est pas facile avec son caractère brusque hors de la classe et ses moments de bouderie mais il est performant, désireux de bien réussir et il le fait pour lui. Même si à la maison, sa maman est derrière lui, quand il a une mauvaise note, c’est contre lui que Ken est en colère. Il me l’a dit et tout en le grondant, je me suis alors vu le féliciter ... Je trouve son état d'esprit mature, digne d'un futur élève de 6 ème. Il faut continuer ainsi !

Ken a donc changé depuis le début de sa scolarité dans notre école et je suis fière de voir quel garçon, il est devenu, grâce à lui mais aussi grâce à ses différents enseignants ?!

Ken a été fair-play hier, il a même essayé de faire des passes à sa maîtresse de CM2.

Elle les a toutes ratées, mais ce n'est pas grave : il ne lui en a pas voulu. C'est la maîtresse, elle a joué au foot avec lui et ses camarades, je crois qu'à ses yeux, c'est déjà bien.

Je crois que ce moment que nous avons partagé, mes garçons et moi, nous le garderons tous en mémoire.

Bien sûr gagner, ça aurait été encore mieux et ce n’est pas moi qui vais dire le contraire, mais on ne peut pas gagner tout à la fois : l’affection de ses élèves, même des plus coriaces avec leur carapace de bonhomme, et un match de football.

Et ce mardi, je me suis sentie bien plus gagnante que perdante à la fin de la récréation.

Ce mardi, j’ai été de service pour surveiller la cour, c'était mon dernier service et il est devenu inoubliable grâce à des enfants et à une balle ronde.

Merci Ken, merci mes élèves (mes enfants allais-je encore une fois écrire ... mais ce n’est pas complètement faux : pendant quasiment un an, je les ai considérés comme tels ... Ils ont fait partie de ma vie, ils ont été au centre de mes préoccupations, ils vont me manquer).

Bonnes Vacances !

Marine Sch.