Mon amie
- Marine Sch.
- 14 oct. 2020
- 8 min de lecture
Je vous ai confié, il y a peu, que je n'avais pas beaucoup d'amis. C'est vrai, mais ceux, que j'ai, sont formidables. Une en particulier m'impressionne jour après jour, tant elle est gentille et forte. C'est une collègue que j'ai rencontrée l'année dernière. Dès la réunion de pré-rentrée, j'ai été touchée par cette femme. Elle est arrivée souriante et aimable, espérant que tout le monde ait passé de bonnes vacances. Elle m'a souhaité la bienvenue dans l'équipe et m'a encouragée à venir la voir en cas de problème. Elle sortait du lot. L'atmosphère dans la pièce sans elle aurait été complètement différente, beaucoup moins légère et motivante, digne d'une fin de vacances. Ainsi, il a suffi d'une heure autour d'une table, pour que je ressente l'envie d'en savoir plus sur cette collègue.
Cette maîtresse incarne la vie et la douceur, j'ai tout de suite pensé à ses élèves : quelle chance ils ont de grandir à ses côtés, dans un cadre rempli de bienveillance et de respect ! En effet, j'ai senti que cette femme ne portait aucun jugement sur les gens, adulte comme enfant, qu'elle croise dans sa vie. Au contraire, elle les estime, persuadée que chacun a des qualités et du potentiel. Aujourd'hui, je sais que je ne me suis pas trompée : en tous cas, moi, je gagne en confiance, auprès d'elle, comme si j'arrivais à lire dans ses yeux tout le bien qu'elle pense de moi.
Tout en mettant à l'écrit mes idées, je me demande si mon texte sera à la hauteur de l'admiration que j'ai pour cette femme. Mais l'ayant vue ce matin, j'ai envie de partager avec vous mon étonnement qui, pour elle, ne cesse d'exister. J'ai beau avoir appris à connaître sa personnalité, ses enfants et certains de ses problèmes, je reste impressionnée par le courage, dont elle fait preuve pour enjamber tous ces obstacles que la vie continue à parsemer sur son chemin ...
Nous vivons tous des choses difficiles, et cette femme est loin d'en être épargnée. Pourtant, ce matin encore, elle me souriait et s'inquiétait pour moi. Elle lit, en plus, tout ce que j'écris et me complimente. Aujourd'hui, je l'ai trouvée bien amincie, s'efforçant d'être joyeuse, le plaisir de se revoir l'aidant alors un petit peu. Mais je sais qu'au fond d'elle elle est fatiguée, qu'elle souffre surtout de ne pas pouvoir aider son fils à aller mieux. Bien sûr qu'être positif, c'est nécessaire pour continuer à avancer, se lamenter n'arrangeant pas les choses, mais j'aurais aimé que mon amie s'accorde un instant pour pleurer. J'aurais aimé être cette personne, qui, à défaut d'avoir les solutions, lui rappelle sa valeur et tout ce qu'elle a déjà surmonté. J'aurais aimé qu'elle pleure pour mieux rebondir ensuite. Mais non. À la place, elle m'offre un livre pour mon non-anniversaire. Elle prend de mes nouvelles et m'invite à la revoir.
Formidables, mes amis, je vous disais. Mais elle, elle est extraordinaire. Elle pense aux autres, avant elle, que ce soient ses enfants, ses élèves ou ses amis.
Mon amie a, en effet, une fille et un garçon, ses rayons de soleil. Quand elle m'en parle, je suis émue. Elle les aime d'un amour inconditionnel, et, en plus, elle les admire pour leur simplicité et leur générosité. Elle dit leur devoir beaucoup, je veux bien lui donner raison, mais je crois qu'elle oublie un petit peu trop que toutes les belles valeurs qu'elle voit en eux, ce sont avant tout les siennes, celles qu'elle a su leur transmettre, celles qu'elle incarne. Ses enfants méritent la reconnaissance de leur mère, car, moi aussi, je les trouve agréables et authentiques.
Sa fille a un très joli prénom, elle a des cheveux longs et soyeux et de grands yeux bleus. Sa manière de parler calme et sereine me fait du bien. Elle me vouvoie, et cela me fait bizarre, car admirable comme elle est, ce serait plutôt le contraire qui devrait se faire !
Sa mère me parle de ses histoires de cœur, de ses études, je n'ai pas l'habitude de ce genre de conversations, d'être l'amie d'une maman. Mais cela m'amuse et me fait plaisir, car cela montre qu'elle a confiance en moi, qu'elle me considère aussi comme son amie, malgré notre différence d'âge et mon physique, qui me rapproche plus de sa fille que d'elle. Elle a raison de penser ainsi, car l'écouter, je peux le faire, avec toute mon amitié. Je peux aussi la conseiller, si elle me le demande, avec beaucoup d'humilité, cependant, car de la vie, elle connaît plus de choses que moi. Je suis là, enfin, pour lui partager des citations, que j'aime et qui redonnent de l'espoir, pour lui proposer des sorties, histoire de se changer les idées. Elle sait que j'ai mal pour elle, quand je vois tout ce qu'elle donne et le peu qu'elle reçoit, en retour, de la vie, mais je ne veux pas qu'elle me protège en me cachant des choses ! De cette mère de famille, j'ai besoin de tout savoir. Même si nos chemins se sont séparés, suite à ma nouvelle affectation, je pense à elle et elle à moi.
Son fils est un garçon sensible, que j'ai appris à découvrir. Parce que c'était son enfant, c'est vrai, j'avais envie d'entrer en contact avec lui. Mais il m'attirait aussi par son isolement, quand il attendait sa mère dans la cour, le soir. Il me rappelait, alors, mes cousins, et ce regret que j'ai de ne pas avoir appris à mieux les connaître, notamment avant que leurs problèmes de santé s'aggravent. Je n'ai jamais souhaité vraiment savoir ce qu'avait le fils de mon amie. Pour moi, il est avant tout un petit garçon, qui se bat pour se faire une place parmi ses camarades, dans la société de manière plus générale. J'ai donc essayé assez vite d'aller vers lui. Il était timide au début et avait tendance à s'écarter, quand j'arrivais. Mais petit à petit, nous avons parlé de plus en plus longtemps ensemble. Les derniers jours, il venait lui-même me voir, notamment avec son ballon pour me faire profiter de ses talents de dribbleur !
Bientôt, nous partagerons un nouveau moment ensemble : nous irons dans un endroit, dont nous avons déjà parlé et que nous aimons tous les deux. Je me réjouis à l'idée de passer du temps avec lui, avec mon amie et sa fille aussi. Habituellement, une telle perspective m'aurait gênée, car j'aurais eu l'impression de m'incruster dans une famille, qui n'est pas la mienne, mais, là, j'ai plutôt hâte de les retrouver ! Je me sens bien avec eux, et j'ai envie de le leur montrer, parce que la vie ne leur fait pas de cadeaux, mais surtout parce qu'ils sont des pépites d'or dans une société de granit.
Mon amie donne aussi beaucoup à ses élèves. Elle pourrait s'arrêter de travailler : elle est seule avec ses deux enfants et est épuisée par tout ce qu'elle a à gérer en ces temps de crises … Mais il y a ses élèves, le directeur, avec lequel elle partage la classe, et, surtout, sa volonté de bien faire ! Ainsi, elle ne veut pas prendre du temps pour elle sur son travail, et pourtant, il le faudrait … Je m'inquiète pour elle, quand je vois tout ce qu'elle supporte. Comment fait-elle ? Moi, je n'aurais jamais tenu ainsi.
Cette famille vit dans un petit appartement très accueillant, avec plein de livres, de plantes et de photos. Un lieu à leur image, qui m'a touchée, mais au sein duquel, malgré tous les efforts de la maman, le chaos du quotidien entre quand même ...
Mon amie a perdu sa maman d'une maladie, et elle élève ses deux enfants toute seule, elle fait des sacrifices constamment dans sa vie pour offrir le meilleur à ceux qu'elle aime. Cela suffit, elle ne devrait pas encore s'endormir sur ses sur copies et se coucher à cinq heures, pour être réveillée une heure plus tard par le réveil ! Lorsque j'ai envie de le lui dire, elle évite le sujet, elle veut plutôt savoir où se trouve mon école … Elle prend alors le temps de chercher, pour bien visualiser, dans un ancien livre avec les plans de la région parisienne ... Elle ne fait pas les choses à moitié, et elle les fait bien, avec une certaine attache pour le passé.
Cette femme pourrait être l'héroïne d'un roman, tant les sentiments qu'elle inspire mériteraient d'être approfondis. Il ne s'agit pas de chercher dans son passé, de remonter jusqu'à son enfance, pour essayer de comprendre comment elle est devenue une si belle personne. En effet, mon amie est ainsi faite, je suis persuadée que toutes ses qualités sont dans sa nature ! Un livre mettrait, plutôt, en évidence la continuité de son être : même quand la vie lui sourira davantage, elle gardera la main sur le cœur.
Que nous soyons ses enfants, ses élèves ou ses amis, nous avons tous le droit à un traitement de qualité de la part de cette femme. Plus je lui parle, plus mes yeux s'agrandissent : celle année, pour ses CP, elle a l'intention de réaliser un élevage d'escargots, un projet d'écriture sur les animaux et de correspondre avec une classe d'élèves handicapés ! Elle ne se contente pas du minimum : les mathématiques et le français. Elle fera progresser les enfants dans ces disciplines, évidemment, mais tout en s'investissant à côté pour leur faire passer une année scolaire inoubliable. Mais, avant tout, ce sera elle que les élèves n'oublieront pas.
Cette collègue et amie est toujours bien habillée, tout en restant naturelle. Elle porte souvent sur elle un petit détail, qui attire l'attention et que j'adore : une paire de boucles d'oreille avec des coquillages ou un pendentif en forme de perle. Elle a de beaux cheveux noirs aussi et de grands yeux. Ces fameux yeux, dans lesquels j'essaie de percevoir, au-delà de l'image qu'elle me renvoie de moi-même, ce que, elle, elle ressent. Dans quel état se trouve-t-elle vraiment aujourd'hui ?
Elle parle, mais pas assez d'elle, de ses besoins et de ses envies. Elle se met trop entre parenthèses. J'aimerais qu'elle trouve le temps de prendre des cours de piano et d'équitation, de lire le soir, calmement, dans son lit, de discuter avec ses amis, autour d'un café et de petits chocolats, sans regarder sa montre de peur de rater le prochain rendez-vous. J'aimerais que la chance frappe à sa porte, même si, en l'attendant, elle sait être heureuse, pour ses enfants et la joie qu'ils lui apportent, pour ses amis et la reconnaissance qu'elle dit avoir envers eux.
Pour ses amis, elle est pleine d'attention. Par exemple, en même pas un an d'amitié, elle nous a déjà offert, à Lycka et à moi, des livres, des bijoux et des jouets ! Nous avons aussi échangé des centaines de messages, longs et riches de conseils et d'encouragements. Enfin, nous nous sommes appelées, entendre le son de nos voix faisant, à l'une comme à l'autre, du bien.
Nous nous sommes rapprochées grâce à l'attention qu'elle m'a apportée en tant que jeune collègue, sans que je ne lui demande rien, juste par gentillesse, fidèle à elle-même. Ensuite, les réalisations artistiques de nos élèves, mises en commun et affichées sur les murs du couloir, ont rendu notre entente plus concrète. Puis les confidences par écrit. Le soutien pendant le confinement. Le partage de nos lectures, de mes textes, de nos chansons préférées. Je dois beaucoup à cette femme. Et je sais que je ne suis pas la seule …
Où trouves-tu tout ce temps que tu nous accordes, à nous, ceux qui ont le bonheur de te connaître et d'avoir une place dans ton cœur ? Dans ces nuits, qui ne durent pas assez longtemps ? Entre deux allers-retours en voiture ? Je suis fière d'être ton amie, mais j'aimerais avant tout que tu ailles mieux.
La femme, dont je vous dis beaucoup de bien, mérite tous ces compliments. Croyez-moi : les mots que j'utilise lui sont appropriés, je n'exagère rien.

Personne ne connaît l'avenir, mais j'ose affirmer que cette amie, elle ne me lâchera pas de sitôt. Et elle peut en être sûre, moi aussi, je serai là pour elle. Sa personnalité m'a séduite, et sa vie m'a touchée, je suis attachée ainsi à elle, et, quand je tisse des liens avec des personnes, je les veux indestructibles.
Décidément, l'année dernière, j'ai fait des rencontres incroyables au travail. C'est une des raisons, c'est certain, qui me fait appréhender la suite de ma carrière. On ne rencontre pas de telles femmes à tous les coins de … couloirs. Mais ce n'est pas grave, en amis, aujourd'hui, je peux le dire, je suis comblée !
Cette amie ne se contente pas de m'écouter et de me soutenir, elle me tire, en plus, vers le haut. Elle me montre le meilleur de moi-même. Elle me donne envie de me battre contre mes propres soucis, pour être digne de son amitié. Elle me motive à devenir comme elle, une maîtresse douce et bienveillante, une femme aimante et cultivée. Mon amie, par son altruisme, me rappelle ma grand-mère qui disait : « Je suis heureuse quand ceux que j'aime le sont ».
Marine Sch.
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