Les mots me manquent

Les mots me manquent …

C’est le cas ce matin.

J’en suis la première étonnée

Car d’habitude j’aime jouer avec eux

Et faire sourire mes lecteurs

Je les utilise pour donner des nouvelles

De ma vie de maîtresse

Et présenter les travaux de mes élèves

Pour extérioriser aussi ce que je ressens

En tant que femme

Et n’arrive pas à dire de vive voix

Aux premiers intéressés.

Les mots sont pour moi comme des amis

Car ils sont là quoiqu’il m’arrive,

Ils sont à ma disposition

Dans les bons comme dans les mauvais moments

Pour que je leur confie mes joies et mes peines

Pour que je ne reste jamais seule

Avec des émotions qui me dépassent.

Mais ce matin, les mots ne sont pas au rendez-vous

Ou plutôt si …

Mais ils viennent tous à la fois

De telle sorte que je me perds :

Je n’arrive pas à organiser mes pensées,

À me comprendre,

A savoir pourquoi je n’arrive pas à lui écrire,

À le rassurer

Ou juste à lui souhaiter une bonne journée.

J’ai eu besoin de me retrouver seule

Et ce n’est pas fini ? On dirait …

Mais en attendant,

Il se pose des questions

Et à son tour, il a mal,

À cause de moi,

Parce que, sans crier gare,

Je bloque devant mon écran.

Rien ne vient : je cesse d’insister,

Je range mon portable, je ferme les yeux,

J’aimerais faire le calme dans mon esprit,

Laisser de côté ce qui m’a fait de la peine

Et passer à autre chose.

Je suis bien placée pour savoir que le passé,

Il faut le laisser derrière soi

Alors aujourd’hui est un nouveau jour,

Un nouveau jour avec lui dans ma vie ?

Il est là mais sans consistance

Il est là, dans mes pensées,

Dans mon souci de ne pas le laisser sans nouvelle

Mais que se passe-t-il ?

Je n’écris pas.

J’essaye et tapote un coucou

Puis je le remplace par un cœur

Simple, efficace et surtout sincère

Mais ça ne fera pas l’affaire :

Il a besoin de mots en ce moment,

De mes mots

Et ces derniers me manquent.

Il ne m’a pas fait de mal,

Pas volontairement en tous cas,

Donc ça ne compte pas.

Ça ne doit pas compter !

C’est moi qui suis à l’origine de mes larmes,

Je suis la seule responsable

De mes interprétations,

De ces histoires

Que je ne cesse de me raconter.

Il suffit d’un événement perturbateur

Pour que je m’invente mille péripéties

C’est toujours le même schéma

Alors qu’une seule étape aurait suffi

Pour susciter le câlin du réconfort

Pour s’endormir l'un contre l’autre

Comme si de rien n’était.

Je suis las de moi, de ma paralysie

Et de ce temps qu’il passe sans savoir

Dans quel état d’esprit je suis.

Je suis …

Triste qu’on en soit arrivé là,

Triste de ne pas réussir à surmonter la douleur

Sans en faire toute une scène.

Mais c’est parce que je tiens à lui

Parce que je lui ai confié mon cœur

Et que malgré son envie de bien faire

La perfection reste un leurre.

Nous fautons,

Même quand le bonheur de l’autre est notre priorité.

Nous sommes humains.

Nous ne sommes qu’une fille et un garçon

Qui apprennent à se connaître.

Comment fonctionnes-tu ?

Je n’ai pas de notice à te donner

Seule l’expérience et nos faux pas

Seuls les mots quand ils sortiront

Nous aiderons pour les prochaines fois

À mieux agir

À prendre soin l’un de l’autre.

Ce matin, l’heure des explications n’a pas encore sonné

Je dois penser aux enfants,

Assurer du mieux que je peux

Sans l’oublier -

C’est de toute façon impossible.

Mais nous restons des êtres distincts :

Il s’en sort sans moi,

Alors je dois rester forte sans lui,

Je dois penser à moi.

Mais penser à moi

C’est penser à nous

Alors j’espère qu’il acceptera mon silence

Tout comme j’effacerai ma peine.

J’avais prévenu

Que je n’étais pas un cadeau :

J’ai le cœur à vif,

Je refais tout juste surface,

Je me veux femme

Mais je reste petite fille

Avec des mécanismes de protection bien à moi.

J’en suis là, devant mon clavier

Et une page blanche

Enfin, je la croyais blanche

Jusqu’à ce que je rouvre les yeux

Et réalise qu’à défaut de communiquer avec lui,

Je parle à moi-même.

Il y a un ensemble de lettres

Qui ont donné du sens à un écrit

Que vaut-il ?

À quoi sert-il ?

Je reviendrai : son humanité m’a touchée,

Je me sens bien à ses côtés,

Alors je veux cette place

Qu’il semble à présent me réserver.

Je lui dirai tout ça

Avant qu’il ne soit trop tard

Avant qu’il ne me trouve plus incroyable

Avant que son bonheur avec moi s’évanouisse

Quand le manque sera devenu trop fort

Quand l’amour aura fini par l’emporter sur la douleur

Quand mes mots pour lui seront à la hauteur.

Les mots me manquent

Ceux qui iront de moi à lui.

Les mots me manquent

Alors qu’il sont censés être mes amis.

Mais des mots ne peuvent pas changer une relation

Faite de partage et de bien-être

Les mots ne peuvent pas dire je t’aime

Sans le regard qui va avec,

Sans le baiser de la vérité.

Je me plains de mon incapacité à écrire

Mais en réalité, je souffre de pas pouvoir le voir

Et le serrer contre mon cœur

Pour qu’on oublie ce qui s’est joué

Malgré nous et contre nous.

Les mots me manquent …

Marine Sch.