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Je marche

  • Photo du rédacteur: Marine Sch.
    Marine Sch.
  • 11 janv. 2022
  • 4 min de lecture

Je marche pour aller à l’école, je marche dans les rues de cette ville qui n’est pas celle où j’habite. Je marche sans écouter de musique, le masque sur le menton pour respirer un peu de cet air froid mais revigorant, après une nouvelle nuit cauchemardesque.


Je ne croise personne, il est tôt, je suis seule, j’ai l’habitude. Et j’apprécie cette solitude, tout en la redoutant. Des pensées me viennent, des questions plus précisément, une en particulier : comment est-ce que je fais ?


Comment est-ce que je fais pour me relever encore une fois après cet amas d’aliments qui se retrouve dans mon estomac malgré moi ? Des quantités inimaginables que j’ai ingurgitées par vagues successives en quelques heures seulement.


Oui, je ne tourne plus autour du pot et mets des mots sur ma réalité.

Je reconnais aussi une force en moi, qui m’étonne. Comment est-ce que je fais pour aller travailler après tout ça ? Pour faire classe ? Pour aider des enfants à avancer dans leur vie. Pour faire preuve de bienveillance et même d’affection. Car ces enfants si je le pouvais : s’il n’y avait pas ce virus mais aussi ce décalage entre celle que je suis et celle que je veux être pour eux, je les prendrais dans mes bras et les serrerais contre moi. J’ai envie de leur montrer que je tiens à eux, que je les aime sincèrement, que pour eux, je convoquerais toutes les ressources qui sont en moi, encore une fois. Pour eux, j’arrive devant ma classe.


Je suis debout et professionnelle malgré ces incessants tourments que je subis depuis la veille. Si mes élèves savaient …

S’ils m’avaient vue hier soir, seule dans ma cuisine … Je ne serais plus leur modèle. Je perdrais ma légitimité. Je les effrayerais tout comme je m’effraye moi-même. Et ce depuis des années maintenant.


Comment est-ce que je fais pour me relever mais aussi pour chuter aussi bas ?

J’ouvre la porte de ma salle de classe : je suis venue, sans attendre qu’on m’encourage à le faire, en essayant de ne pas penser à ce qui git dans mon ventre, à ce que j’emporte avec moi, au delà du lieu de ma déchéance.


Je me fixe des cadres, des objectifs sur le long terme et voilà comment ça finit : tout est envoyé en l’air ou plutôt tout est en moi, broyé, mes projets renversés pour ne pas dire inversés. Je n’ai plus envie de rien. Je me sens paradoxalement vidée.

Lâcher-prise semble alors être la solution mais qu’est-ce que cela signifie ? Arrêter de penser, d’appréhender, je ne demande pas mieux. Mais ce n’est pas si facile … Et puis si nos vœux d’anniversaire étaient exocés, depuis 12 ans, je ne serais pas amenée à refaire le même : que ceux que j’aime, moi comprise, soient en bonne santé.


Jusqu’ici mes parents s’en sortaient bien mais moi, je pèche complètement. Moi que je rejette sans cesse, moi dont je parle mal me traitant selon les circonstances de grosse vache où d’incapable. Pourquoi être tendre, si ce n’est pas mérité ?


Parce que ce serait le début d’une nouvelle vie et que cela fait peur.

Et si avant tout, l’amour que je porte je me l’offrais ? Et si au lieu de regarder autour de moi, je me regardais ? Et si, j’avais tout ce qu’il faut pour être heureuse ? J’ai déjà entendu ces phrases. Ainsi, je sens l’énervement me gagner et referme brusquement la porte derrière moi. Je mets même le verrou.


Je m’isole, je me terre. Tel un démon.

Une nouvelle question s’impose dans mon esprit : est-ce que je fais finir un jour par croire ce que je lis, ce qu’on me dit, ce qui me semble vrai au fond de moi, malgré tout ? Quand est-ce que je vais cesser de conclure que ce qui marche pour les autres ne marche pas avec moi ? Quand est-ce que je vais réussir à inverser définitivement cette tendance qui me

pousse à m’auto-détruire ? À me saboter ?

Je pose mon sac et m’assois devant mon bureau. Je croises les bras et plonge ma tête dedans comme je demande aux enfants de le faire quand je leur raconte une histoire.


Mais cette fois l’histoire, c’est à moi que je veux la raconter. Il s’agit d’un récit inachevé où je suis héroïne. Une héroïne têtue mais volontaire. Une héroïne qui sourit même quand elle a mal.


Je ne connais pas la fin de ces aventures mais je me promets qu’elle sera belle, qu’elle sera telle que je la souhaite. Car après tout si c’est pour s’imaginer des choses autant que celles-ci fassent plaisir, non ?

Je pleure.

Je souris.

La journée de classe va commencer ….

Ma seconde vie aussi ?


Avec un conte, dont personne d’autre que moi n’est l’auteur, je décide que c’est fini le travail d’équipe et les échanges bancales. Finies les épaules qui se veulent solides mais défaillent au premier kilo pris.


Je n’ai pas besoin d’être parfaite pour être actrice de ma vie. A partir du moment où je suis là, je peux jouer. Et le rôle que je veux en plus. À vivre sans rebondissement, on ne vit pas.

J’ai bien vécu. Le scénario valait le coup. Une petite pause serait cependant la bienvenue, un entracte, une occasion pour moi de changer de tenue. Pour passer celle d’un personnage plus facile ou moins enclin aux fortes émotions. Une femme épanouie, mieux concentrée sur son propre jeu me conviendrait !

Marine Sch.

 
 
 

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