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- Parenthèses -

  • Photo du rédacteur: Marine Sch.
    Marine Sch.
  • 2 mai 2021
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 11 mai 2021

Je fais une petite parenthèse dans mon histoire avec P. car aujourd'hui ma maman ne va pas bien. Elle a tous les symptômes du covid … Alors je suis inquiète, très inquiète.


On me dit qu'elle doit se ménager et que ça va passer. Évidement qu'il suffit qu'elle se repose pour aller mieux !


Mais ce n'est, quand même, pas si simple à vivre.

Surtout quand on n'a pas d'emprise sur le phénomène : j'aimerais aider ma maman mais elle n'a besoin de rien ...

Que puis-je faire, en effet, pour elle ? Il faut "simplement" attendre.

Attendre de voir comment son corps s'en sort contre ce virus.

J'ai bien compris, mais cette attente n'en reste pas moins pénible.

J'ai une boule au milieu du sternum.


Encore plus que d'habitude, je souhaite aller vite : faire ce qu'il y a à faire pour arriver au dénouement. Pour passer à l'après, lorsque le mal n'est plus qu'un mauvais souvenir. Mais aucune mission ne m'est dévolue, je ne peux que faire confiance au système immunitaire de ma mère, dont j'ignore tout et sur lequel je n'ai aucun pouvoir. C'est dur.


Je n'ai jamais douté des dangers du covid mais, là, j'ai encore plus peur de ce qu'il peut provoquer car, vous l'avez compris, c'est ma maman qui est touchée.

Ma petite maman que j'aimerais serrer dans mes bras pour lui servir de bouclier. Mais c'est trop tard …

Ma petite maman que j'aurais aimé remplacer à la Poste pour attraper à sa place le virus et lui épargner ce mal-être. Car, sans aucun doute, c'est là-bas qu'on le lui a refilé. D'ailleurs, j'en veux à la personne qui s'est présentée contagieuse à son guichet. Peut-être que cette dernière ne se savait pas contaminée. Peut-être qu'elle souffre elle-même aujourd'hui. Malgré cela, je lui en veux : elle est à l'origine des douleurs de ma mère.


Bien sûr, j'ai aussi de la colère contre son patron qui l'a fait travailler sans arrêt, même au plus fort de la crise. Aucune estime pour ses employés dont le service est pourtant reconnu depuis le début comme essentiel …

Ma mère a été fidèle au poste : elle a travaillé chaque jour ouvré, sans se plaindre mais non sans peur. Et elle n'a rien eu en échange : aucune prime. Sauf, à présent, le covid.


Oui, je suis en colère contre le gouvernement en général parce que maintenant un de mes proches est concerné par ses erreurs. Je me sens prête à descendre dans la rue, à crier mon mécontentement !


Vous pouvez me reprocher ma passivité passée mais je crois que nous faisons un petit peu tous cela : les causes que l'on défend sont des causes qui nous touchent personnellement ...


Jusqu'ici je considérais que le président et ses ministres faisaient ce qu'ils pouvaient. Ce n'était pas parfait mais, à défaut de savoir si d'autres auraient fait mieux à leur place, je tolérais.

Là, je suis mécontente parce que la vaccination des plus de 55 ans aurait pu être proposée plus tôt. Parce que la santé de la population active n'est pas assez prise au sérieux. Parce que je vois les conséquences des erreurs jusque dans ma famille ...


En vérité, ce n'est pas la première fois que je suis remontée contre ce qui se passe dans notre pays. Il y a un an déjà, je voulais écrire aux responsables de la Poste pour leur demander d'ouvrir les yeux sur les conditions de travail des guichetiers, c'est-à-dire l'absence de masque et de gel. Pour leur demander de prendre soin de celle que j'aime. Mais ma mère n'avait pas voulu que j'aille au bout de ma démarche. Peur des répercussions ?

Les répercussions, maman, tu ne les as, malheureusement, pas évitées ...


Fin mai, j'ai repris la plume pour m'adresser au président de la République au sujet de l'école. Cette fois, j'ai envoyé mon courrier, car il n'engageait que moi. Mais ça n'a servi à rien : nous, les enseignants, sommes, retournés en classe dès le mois de juin avec des enfants sans masque en face de nous.


J'ai donc quand même pris parti pendant cette crise sanitaire mais avec mes mots et ça n'a pas été suffisant. Ça ne m'a pas non plus empêché de me plier aux exigences qui me venaient d'en-haut. Moi, je reconnais mes fautes.


Aujourd'hui, je veux m'exprimer de vive voix et, en même temps, je me sens lasse. En effet, j'ai l'impression que l'inévitable arrive : après ma maman, à qui le tour ?


En fait, je suis aussi révoltée que triste. Car ce n'est même pas en voyant sa fille, en sortant se balader à plus de 10 km de chez elle, en profitant de la vie que ma mère a attrapé le covid, c'est en travaillant : pour zéro reconnaissance, pour avoir mal au dos, pour gagner tout juste le SMIC. Celle qui m'a donné la vie s'est mise en danger, en respectant les restrictions, pour servir ses clients et voilà ce qu'elle a obtenu en retour : le danger lui-même.

Je trouve ça ...


Au téléphone, ma maman a essayé de me rassurer en me disant qu'elle est résistante. Mais qu'en sait-elle ?

Elle, qui ne se plaint jamais, elle a fini par céder à ma demande et elle a énuméré ce que son corps lui fait subir : elle a un poids dans chaque poumon, la tête qui tourne, les membres engourdis .. Ce n'est pas rien ! Et je sais qu'elle ne m'a même pas tout détaillé …


Ce n'est pas rien et c'est déjà bien suffisant pour que j'ai mal pour elle.


J'ai peur aussi. J'ai peur que son état s'aggrave. J'ai peur qu'elle n'aille pas aux urgences à temps. J'ai peur et j'ai mal.


J'aimerais tellement faire quelque chose, ne pas être uniquement dans l'attente d'un aller-mieux. Mais à part prendre rendez-vous pour elle au laboratoire d'analyses, elle ne veut rien. Je me sens exclue : j'ai connaissance du combat mais je ne suis pas autorisée à aller sur le front. Je me sens nulle car quand bien même je pourrai me battre, je n'ai pas les armes pour.


Cette posture d'impuissance, dans laquelle je me trouve, m'est insupportable. D'autant plus que je l'ai déjà vécue dans le passé avec mes grands-parents. La situation se répète, elle touche un par un ceux que j'aime ... C'est un cauchemar.


Voir ma mère souffrir me fait souffrir.

La voir malade me rend moi-même malade.

Telle mère telle fille ...


En plus de cela, je suis loin : je ne peux même pas lui témoigner mon amour avec des petits gestes qui n'ont l'air de rien mais qui, eux, ne font pas de mal. Un verre d'eau, un sourire …


Hier, c'était le premier mai et, malgré les deux bouquets que j'ai reçus, je n'ai pas l'impression que le bonheur soit particulièrement entré dans ma vie ...



Que ma mère se ménage et ça va passer ...

C'est ce qui va arriver, il ne peut en être autrement !

C'est ce que je souhaite du plus profond de mon cœur.

C'est ce que j'aimerais lui donner … mais je ne le peux pas.


Alors, maman, s'il te plaît, repose-toi. Prends soin de toi. Tu ne demandes certainement pas mieux … mais si tu t'allonges, tu as le tournis comme sur un bateau. Si tu manges pour reprendre des forces, tu as la nausée.

Finalement, tu te retrouves comme moi, ta fille, impuissante face à la maladie ... Mais ça va quand même le faire, pas vrai ?


J'espère au moins que mon amour arrive jusqu'à toi, que tu le sens se mêler au flux de vie qui t'habite pour le renforcer ... À deux, nous sommes plus fortes ?!


Maman, je pense à toi encore plus que les autres jours.

J'écris aussi ces quelques lignes - c'est tout ce que j'ai trouvé à faire pour calmer mon impatience de te revoir en forme - elles ne disent rien d'extraordinaire, simplement que tu es essentiel pour moi.

Que je t'aime, maman.

Marine Sch.



2 Comments


Clara Jaguenet
Clara Jaguenet
May 02, 2021

Courage Marine, j‘espère que ta mère va se rétablir vite de ce fichu covid

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Marine Sch.
Marine Sch.
May 04, 2021
Replying to

Coucou Clara,

Merci pour ton commentaire ! Je l'espère aussi ! :')

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