Fragilité
- Marine Sch.
- 27 juil. 2021
- 4 min de lecture
Tu crois que ça va mieux pourtant il suffit d’une « broutille » au regard des autres pour que tout redevienne comme avant. Enfin non, pas exactement comme avant : ça aurait pu être pire … Juste pour ça, pour ce que j’ai évité de m’infliger, je dois être contente. Il y a du positif dans l’aventure. Il y a toujours du positif ? Oui, je peux être contente car j’ai réussi à être moins méchante avec moi-même. Moins punitive que d’habitude. Mais cela ne m’a pas empêché de ne pas dormir, de m’en vouloir, de rejouer la scène en décalant mes gestes de quelques millièmes de secondes. Quelle gourde je peux être … Il y a de l’évolution dans mon tourment mais la peur demeure et cette fois c’est celle de voir à quel point tout peut basculer, si vite. Je le savais, je l’avais écrit dans une citation. Mais c’est si facile de citer des phrases et de les comprendre … Rien ne vaut malheureusement l’expérience pour assimiler les leçons de la vie … Pour accepter que seul l’instant présent compte. Une heure avant, nous étions à vélo avec mon père, au milieu des champs de tournesols, à la recherche d’un petit animal aussi fou que nous pour sortir à cette heure dans la nuit. Un hérisson, un lièvre, un héron et des centaines de moucherons : nous étions heureux de notre palmarès même si nous devions pour en profiter masquer nos sourires, fermer la bouche. Non merci, pas d’insectes pour l’encas du soir ! Encas du soir. 7 mois. Il y a de l’évolution. Je fais des bêtises, comme une enfant. Comme ça arrive à tout le monde en fait car on garde tous de l’enfance un brin de maladresse, surtout quand la vie est belle. Pourtant, j’aurais aimé être l’exception qui confirme la règle. Ou au moins pas ce soir … Dix minutes avant, j’étais dans la piscine. Mais de qui tiens-tu ce grain de folie ? me lance mon père depuis sa chambre. Ça donne chaud le vélo, ça donne chaud de se sentir bien, dis-je en guise de justification. Non, je ne suis pas folle. Je me sens juste bien, en sécurité, comme une princesse dans son royaume avec son petit roi pour prendre soin d’elle. Je profite et je fais bien … Car ça ne va pas durer. Car ça n’a pas durer. 1 heure, 10 minutes avant et puis ensuite l’accident et ton amie la petite voix qui arrive sans crier garde. C’est limite ça le pire. Le reste, c’est vrai, c’est du matériel … Il y a plus grave dans la vie. Il y a plus important. Ses larmes, il vaut mieux les conserver pour les gens, pour les moments de joie ou de tristesse partagés. Sans aucun doute mais ma vieille amie est aussi têtue que moi … Pendant des années, elle m’en a fait voir de toutes les couleurs, elle saisit l’occasion pour se rappeler à moi. Non, non, je n’ai pas disparu. Je ne disparaîtrais d’ailleurs jamais. Amie, c’est amie. Tu as su prendre de la distance mais c’est pour mieux me retrouver ! Je secoue la tête. Elle se trompe. Ok, ce soir, elle fait son retour mais je suis mieux armée qu’avant. Non seulement, je ne craquerai pas mais en plus de cela, je vais me battre et … gagner. Dans quelques heures, il n’y paraîtra plus rien. Mais qu’as-tu fait ? Tu as tout gâché ! Même pas foutue de prendre soin de tes affaires. Mais que va-t-on faire de toi ? Franchement, à quoi ça sert de t’offrir des choses, si c’est pour les casser deux mois plus tard ? Tu n’es qu’une bonne à rien. Heureusement que je suis là pour te le rappeler, pour que tu redescendes de ton nuage et retournes dans tes livres vivre par procuration. Oui, même en vacances, même lorsque la perspective de la rentrée se fait discrète, je suis une miss Catastrophe : je fais des faux pas, j’envoie mon bonheur valdinguer en un rien de temps. En un geste brusque qui fait tomber mon téléphone. Côté vitre, évidement. Est-ce que cela fait forcément de moi une fille infréquentable ? On peut dire sinon que le 26 juillet avait lieu le baptême de mon nouveau petit chéri, de mon téléphone dernier cri ? On peut mais ça t’apprendra surtout à moins te la péter. J’acquiesce, c’est bien lancé. C’est mérité. Je laisse la voix reprendre du pouvoir sur moi. Comme si ressentir de la colère envers moi-même, de la tristesse pour ce bonheur que je ne suis pas capable de conserver était une évidence. Ça faisait partie de mon destin. Sortir de ma routine, ça va un temps maintenant il faut retrouver ses petites habitudes de fille en manque de confiance. Que ce soit un accident ou non, je dois m’en vouloir. J’aimerais faire un retour en arrière. Me pincer pour me réveiller. J’aimerais bien des choses … Je me contente de frapper à la porte de la chambre de mon père. Ronflements … J’entre sans réfléchir aux conséquences, il y a trop de phrases qui tournent en boucle dans ma tête. Il sursaute, se redresse, je m’assois, gênée, les larmes au bord des yeux. Petit papa me prend dans ses bras. Un éclat de bonheur revient soudainement. Puis la réalité : regarde, ce que j’ai fait … Tu me laisses cinq minutes toute seule, et voilà le résultat. Au lieu de me coucher gentiment, avec de belles images plein la tête, je consulte le portable. Je scroll comme on dit aujourd’hui, sans raison. Comme si le bonheur présent était trop beau, trop beau pour moi. Il fallait que quelque chose arrive pour me rappeler sa fragilité.

La fragilité de la vie à travers celle de l’écran de mon portable … Pas mal. Accident ou non, j’y suis allée fort : il est fissuré de haut en bas. Comme une page de bonheur que je déchire malgré moi, au lieu de passer à la suivante … Marine Sch.



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