Dans sept heures

Ils sont imprimés, ils sont le fruit de plusieurs heures de travail faites de réflexions, de ressentis et de corrections.

Voici les bulletins de mes CM2 encore tout chauds et prêts à faire des heureux (ou pas) !

Comment résumer une vingtaine de notes en quelques croix qui peuvent fluctuer entre non atteint, partiellement atteint, atteint et dépassé ?

À défaut de ne plus passer d’évaluations, la rédaction des livrets est une véritable épreuve bi-annuelle pour les enseignants !

Et moi, je n’y vais pas de main morte car j’ai le souci d’être à la fois juste et encourageante. De dire ce qui ne va pas pour que mes élèves cherchent à progresser, tout en soulignant les efforts déjà réalisés. Je veux les préparer aux exigences du collège, tout en les rendant fiers du chemin déjà parcouru !

Cette après-midi, pour que cette étape soit encore un petit peu plus marquante pour les enfants comme pour moi, j’ai décidé de tenter une remise individuelle de ces feuillets !

Concrètement, je prévois que chaque élève à tour de rôle vienne à mon bureau pour que je lui dise en face … ses quatre vérités !

Pour que je le félicite, l’encourage et le motive à faire encore mieux.

On peut se demander à quelques heures de ce rendez-vous improvisé : qui des élèves ou de l’enseignante soucieuse de bien faire est le plus stressé ?!

Sûrement elle, car les enfants ne savent pas ce qui les attend et quand bien même, ils restent des enfants qui vivent le moment présent. Ils arriveront peut-être devant moi, une fois leur prénom appelé, un petit peu moins énergique que d’habitude, voilà tout !

Tant mieux car l’objectif n’est pas de créer de l’appréhension chez mes élèves, vous vous en doutez bien, mais plutôt de donner davantage de sens aux signes qui se succèdent dans le tableau à cinq colonnes que je dois leur distribuer …

Je pourrais profiter de ce tête à tête pour dire à Mehdi qu’une ânerie n’est pas le féminin du mot âne. Une ânerie, c’est plutôt le fait d’affirmer ce genre de choses !

Mais je ne le dirais pas.

Je pourrais dire à Adem que vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué est une expression qu’il ne devrait pas utiliser dans ses devoirs de lecture car il n’en connaît pas le sens ... C’est plutôt un oracle qui l’encourage à faire l’inverse de ce qu’il sous-entend, en tous cas tant qu’il n’a pas lu mes commentaires sur son bulletin !

Mais je ne le dirais pas.

Je pourrais dire à chacun de mes élèves qu’il n’est ni mon chouchou ni mon bouc émissaire ! Que je l’aime autant que ses camarades, tous étant à mes yeux uniques et indispensables au climat que je souhaite instaurer au sein de ma classe.

Mais je ne le dirais pas.

Je ne dirais rien de tout ça, car les enfants le savent déjà. Je suis sans filtre avec eux, je suis au naturel. Nous avons la relation d’un couple épanoui, d’un couple heureux.

Alors, ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer lors de cette première remise de bulletins en 2022 ! Le dis-je plus pour vous que pour moi ? Vous avez sept heures pour y répondre mais je ne vous donnerai pas la correction à terme. Comme vous le voyez, j’ai assez de travail comme ça !

Marine Sch.