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Ce qu’il ne sait pas

  • Photo du rédacteur: Marine Sch.
    Marine Sch.
  • 18 mars 2022
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 19 mars 2022

Cela fait plus de deux ans que je ne me suis pas prêtée à ce jeu-là : accueillir une personne dans ma classe. Une personne qui se veut bienveillante, dont la visite a pour but de m’épauler dans mon travail, de me guider dans mes démarches pédagogiques, si besoin il en est. Et cela ne m’a pas manqué !

Car, quoi que puissent annoncer ces conseillers pédagogiques, leur venue reste un événement atypique et redouté.

Que va-t-on penser de moi ?

Car, même si c’est la classe qui est observée dans sa globalité, je reste le maillon central, celui autour duquel s’organise la vie des élèves. Celui qui permet d’instaurer un climat propice aux apprentissages et donc qui contribue au bien-être d’une bonne vingtaine de jeunes. Celui qui a pensé et confectionné le travail proposé et qui se demande combien tout cela peut valoir … sur 20 !


Depuis que je sais que je vais être l’objet de ce genre de regards analytiques, je ne suis pas dans mon assiette. J’appréhende.

Pourtant quand je vais voir plus en détails mes peurs, je me rends compte qu’elles ne sont pas fondées : je fais mon travail du mieux que je peux, ainsi les retours que je vais avoir ne peuvent que m’aider à m’améliorer.

C’est super ?! C’est une chance ?!


C’est super, c’est une chance, si vous voulez, mais ça reste avant tout angoissant.

Et si ce jour-là, je m’emmêle les pinceaux : je bafouille, je m’énerve intérieurement et me mets tout d’un coup à pleurer devant les enfants ?!

Et si …


Je m’invente une multitude de scénarios … catastrophiques tant qu’à faire. La faute à mon manque de confiance en moi légendaire qui ne me permet pas encore une fois d’imaginer les choses positivement.


Je tente : et si je réalisais une séance correcte dont l’observateur serait satisfait et saurait lors de ses retours se concentrer sur les points qui lui ont plu : la réflexion qui m’a amenée à travailler la notion de cette manière-là plutôt que d’une autre, le déroulement dans les faits de la séance, …

Mais ça sonne faux, non ?!


En moi, oui, alors je respire et j’essaie de ne penser plus à rien.

Bientôt ce sera terminé : les quarante-cinq minutes allouées à la résolution de problèmes seront passées. Peut-être que les enfants n’auront même pas remarqué la présence de l’homme assis au fond de la classe qui les observe et m’écoute !


Deux semaines et plus que je cohabite avec une boule au fond de mon ventre et en moins d’une heure, le processus de dissolution qui l’amènera à néant aura lieu. Plus aucune trace, comme si rien n’avait existé, comme si rien ne s’était passé.


Enfin si : tant que je ne serai pas rentrée chez moi, il restera des indices de cette fameuse visite.

En effet, ce que ne sait pas l’homme qui se joint à mon groupe-classe, c’est que je porte aujourd’hui le même chemisier noir que le jour du Bac et du concours de professeur des écoles. Celui qui me porte chance ?


Avant de partir, j’ai aussi serré très très très fort ma petite chienne contre moi, pour m’imprégner de son odeur mais aussi de sa douceur, de sa satisfaction permanente et, aspect non négligeable, de son absence de jugement. Une envie que cet aura se communique à quelqu’un d’autre ?


J’ai regardé le ciel en pensant à mon grand-père et en lui demandant s’il était fier de moi, lui qui sait tout ce que j’ai préparé pour cette visite et mon envie de faire bonne impression. J’ai cru apercevoir son visage au milieu des étoiles. Une chaleur m’envahit pour me rassurer au milieu du froid hivernal ?


Je me suis assise dans le métro et j’ai soulevé la manche de mon manteau pour admirer la montre offerte par ma maman à Noël. Elle brille, elle rayonne comme j’aimerais briller et rayonner dans sa vie, être son soleil, malgré tout ce que nous avons traversé. Elle le veut aussi, d’où ce cadeau qui scintille à mon poignet au quotidien. J’esquisse un sourire car de telles croyances me font du bien ?


Je jette un coup d’œil à mon portable qui vient de vibrer : Papa. Il est là lui aussi, autant qu’il le peut. Il est là quand il le faut. C’est plus qu’un petit lever de coins de bouche que je fais alors. Je me laisse submerger par le bonheur que j’ai, dans ma vie, en général ?


Je pense enfin à mon copain dont la photo apparaît sur l’écran une fois la boîte de réception des SMS refermée. Un nouveau garçon, parce que le dernier n’a pas réussi à me décourager. Au contraire, il m’a permis de rencontrer quelqu’un de vraiment simple, dans le sens qu’il l’est plus qu‘il ne l’affirme. Quelqu’un qui ne cherche pas à me changer. Je suis ce que je suis et adviendra ce qui pourra ?


Cette maxime ne serait-elle pas encore plus vraie ce matin ?


Ainsi, il ne sait pas tout, Monsieur X. Et même après m’avoir rencontrée, il en saura toujours très peu sur moi. Alors je ferme les yeux et une dernière fois, avant de prendre mon livre, de m’échapper de cette réalité que je n’ai pas choisie, je me rassure : ça va aller.



Je ne serai pas seule en plus pour l’accueillir. Mes élèves seront là. Et avec eux, je me sens bien. Peu importent mes faux pas passés et à venir, j’ai ma place parmi eux et ce n’est pas quelques minutes d’observation qui vont tout remettre en question !

Avec les enfants, nous allons les résoudre, mes fameux problèmes de composition. Et quand bien même, certains n’y arriveraient pas, cela ne voudra rien dire d’eux, de moi et même de ma séance.

D’ailleurs est-ce que Monsieur X. ne serait pas un petit peu stressé de venir chez les CM2 c ?!


Si ce n’est pas le cas, peut-être qu’il le devrait …


En effet, pour leur maîtresse, de quoi seraient capables un Mehdi, un Ken, une Maïssa, une Ambre et tous les autres encore ?!


Marine Sch.

 
 
 

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