C’est moi

-C’est laquelle Madame Sch. ?

-C’est la maîtresse qui a des paillettes dans les yeux.

Il s’agit de moi ! Mais je crois que l’enfant faisait alors référence à la poussière blanche que je saupoudre chaque matin sur mes paupières …

Elle brille un peu, cette poudre. Drôle d’idée alors de se mettre ça sur le visage ?

Sûrement mais c’est une habitude que j’ai prise sans crier garde, les jours d’école. C’est une petite touche de fantaisie que je prends plaisir à ajouter à mon personnage lorsque je suis prête à partir.

Je ne fais pas attention à la quantité. Je crois que tout ça, c’est de la faute au geste : il me fait penser à un coup de baguette magique !

« Hop, un petit peu de paillettes et la journée peut commencer ! »

Je fais ça et je ne vais pas arrêter.

Non, vraiment : je ne joue pas à la star.

Je ne cherche pas non plus à attirer le regard.

Il y a un aspect ludique qui me plaît, voilà tout ! Il y a ce petit quelque chose qui fait que j’aime ça, me mettre quelques paillettes au coin des yeux et regarder devant moi.

Une fois que c’est fait, j’oublie. C’est parti : métro, boulot et démaquillant !

Mais dès midi en fait, dans la glace des toilettes, il n’y a plus rien …

Ainsi, je ne pensais pas que les enfants remarqueraient !

Mais je n’arrêterai pas pour autant !

Je crois plutôt que l’échange entre les deux élèves m’encourage à continuer.

En effet, quelques paillettes au coin des yeux pourraient finir par glisser jusque dans mon regard et qu’est-ce qu’il y a de plus précieux, de plus sincère qu’un regard ?

Un regard qui brille, qui sort de l’ordinaire, qui apporte un soupçon de joie à ceux qui le croisent …

Je veux bien assumer ce rôle-là !

A l’origine, même si c’est inconscient, il y a l’envie chez moi d’affronter ma peur du ridicule. Oui, je me maquille comme si chaque jour était une fête.

Oui, je me maquille au quotidien comme une petite fille, qui aime les princesses voire les fées.

Et alors ? Si cela fait de moi, au milieu de tout ça, une maîtresse au regard pailleté, j’assume !

Ou même pas : je vis et me fiche des autres regards, de ceux en tous cas qui n’arrivent pas à voir ce qui brille / ceux qui brillent autour d’eux.

Marine Sch.