top of page

Ma rentrée en novembre 2020

  • Photo du rédacteur: Marine Sch.
    Marine Sch.
  • 8 nov. 2020
  • 5 min de lecture

Cela fait une semaine que j'ai rencontré mes élèves de CM2. D'après ce que j'ai pu voir, ils ont de bonnes habitudes de travail. En plus, ce sont des enfants qui ont envie d'apprendre et donc qui se taisent lorsque je leur explique quelque chose. C'est quand je leur pose des questions que les langues se délient et qu'un petit brouhaha se fait entendre. Mais je ne peux pas leur en vouloir : ils participent, ils s'intéressent, ils réagissent.


Je redoutais les moqueries : une jeune maîtresse, qui débarque en cours d'année, un masque sur la figure, je reconnais qu'il y a de quoi taquiner. Mais finalement, les enfants sont plutôt gentils avec moi. En tous cas, en face et pour le moment.


Les CM2 b me tolèrent donc, ils m'offrent même des dessins : ainsi dès les deux premiers jours, j'ai eu droit à « Super Maîtresse », « Maîtresse, je vous aime » ou encore « Dès que je vous ai vue, j'ai su que vous étiez gentille » ! Cela fait plaisir, cela m'aide même à reprendre petit à petit mes marques dans la vie active.



Je comprends mieux cette collègue et amie qui voue une grande reconnaissance à ses élèves. En effet, auprès des enfants, je ne vois pas les heures passées et j'oublis mes soucis extérieurs, je suis dans l'instant présent. Je leur apprends des choses, ils se les approprient et en échange, ils me donnent l'impression d'être importante. Ils m'écoutent. Ils se soucient de moi : ils veulent me faire sourire et non froncer les sourcils. Mes élèves, c'est un petit peu comme ma deuxième famille. Ainsi nous nous entendons bien ; parfois, nous rencontrons aussi des problèmes (d'autres que ceux figurant dans le manuel de mathématiques). Mais ça fait partie de la vie de la classe, de la vie.


Ce n'est pas facile le métier de maîtresse et je m'en rends encore plus compte avec une seule classe. Il y a tellement de choses à gérer entre les apprentissages, les réunions au sein de l'équipe éducative, les prises de contact avec les parents, etc. Mais ça me va, car je me sens utile.


Même si je commets des erreurs en tapant les exercices sur l'ordinateur, en oubliant une liaison, en sortant en retard, je fais du mieux que je peux. En fait, j'apprends à m'améliorer en même temps que mes élèves apprennent la vie. Une famille, une équipe qui gagne.


Je crois que les enfants ont senti que je voulais leur bien. Ainsi, j'ose imaginer qu'ils ont, tous, unanimement, décidé, à la fin de cette première semaine de novembre, de me donner une chance, celle d'entrer dans leur cœur, de devenir leur nouvelle maîtresse. Merci. Je ferai tout pour ne pas vous décevoir. Même si c'est pour trois mois ... Je ne veux pas penser à cette date butoir que l'Éducation nationale m'a donnée. Je préfère plutôt revivre ce moment où les enfants ont applaudi le dessin que j'ai réalisé au fusain, pour tester le matériel, il n'était pourtant pas réussi ... Je préfère les revoir me faire coucou dans la cantine quand je vais chercher mon repas. Je repense aux rires que nous avons laisser éclater quand j'ai confondu un tube de colle avec un tube de gel hydroalcoolique : « Vraiment pas efficace cette colle ! ». Je les revois danser au sons des djembés, raconter des blagues dans les couloirs et proposer des rôles pour les futurs délégués sans attendre que je leur donne la parole. Des moments pas toujours très en règle mais de bons moments, ceux qui me motivent à me lever à 5 heures pour aller à l'école, à laisser de côté mes lectures pour préparer nos séances de découverte. J'espère que l'arrivée de deux nouveaux élèves dans la classe ne changera rien à cette ambiance.


Évidemment même si mon métier me plaît, la vie ne se limite pas à ça. C'est en préparant la leçon d'histoire de la semaine prochaine que cette vérité s'est rappelée à moi. Tous ces ouvriers, ces industriels du début du XIX ème siècle, où sont-ils maintenant ? Que se passe-t-il quand on meure ? Le temps continue à s'écouler, la Terre à tourner, l'Histoire à s'écrire et nous ? Je ne sais pas comment rendre compte des interrogations que je me pose. Mais je ressens un certain vertige. Penser à un lieu situé dans le ciel est alors la seule réponse que je trouve pour me rassurer un petit peu. On ne peut pas complètement disparaître, alors que d'autres vivent et font évoluer les choses ! Si on peut. Mais alors que devenons-nous ? Un frisson me parcourt …. J'ai envie d'appeler mes parents et de découvrir l'univers. J'ai envie de profiter de chaque être vivant, de sourire et de rire avec le monde. Mais tant d'insouciance, de folies sont impossibles, là, tout de suite, car nous avons des règles à respecter, des responsabilités. Car nous vivons ensemble.


Nous nous limitons au quotidien, alors que nous sommes de passage sur Terre et que nous ignorons ce qui nous attend ensuite. Le vide, le noir ? Ça paraît fou comme manière de faire et en même temps, c'est nécessaire. En effet, nous nous limitons pour que chacun ait les mêmes chances, le même temps de jouissance dans sa vie.


Je ressens de la peur. La peur de ne pas savoir. À cette question : « qu'y a-t-il après la mort ? », même en cherchant sur Internet, je suis incapable de répondre. Nous devons vivre avec cette inconnue. Vivre au mieux. Avec des conditions, pour le bien de tous.


Avec mes élèves, après l'hommage réalisé à Samuel Paty, nous avons parlé de la solidarité. Ils m'ont donné beaucoup d'exemples d'actions solidaires. Ils ont même fait vivre le principe à plusieurs reprises au cours de la semaine : en faisant les lacets d'une petite fille de CP venue dans notre classe, en aidant un camarade tombé dans la cour, en notant les devoirs des absents, et tant d'autres choses encore. Je suis fière d'eux, car la solidarité est vraiment au fondement de notre vie. Pour survivre à cette crainte de l'après, pour ne pas se perdre dans des questions sans réponse, nous devons nous soutenir, nous entraider. Nous sommes égaux face à la mort. Face à ce qui nous attend ou ne nous attend pas …


Je remercie donc mes élèves de me donner de la joie, même quand je suis au travail. De me faire profiter de toutes ces heures que la vie me donne. Malgré les règles que je dois respecter, malgré mes responsabilités.


Notre existence est trop courte, trop insignifiante à l'échelle du temps pour se priver de bons sentiments. Même si nous avons des obligations, ne perdons pas de vue l'essentiel : nous n'avons qu'une vie et elle est courte, quelques 30 mille jours … J'espère que la majorité du temps que vous vivez vous apporte de la satisfaction. Chaque minute compte.


Ce texte est à l'image de son contenu : court.


J'aurai pu parler davantage de ma rentrée mais après seulement quatre jours de classe, il est trop tôt pour avoir un avis bien tranché sur les CM2 b. Je ne connais même pas encore leur niveau scolaire. Soyons patients : je vous en dirai davantage plus tard.


Quant à mes interrogations existentielles, je vous souhaite d'en avoir le moins souvent possible, car c'est déstabilisant, désagréable et si inutile. Nous n'avons pas besoin de ce genre de frayeurs pour nous rappeler la chance que nous avons d'avoir une vie. Les années s'accumulent bien assez vite. Je ne parle même pas des morts du virus, 40 000 depuis mars 2020, en France ? C'est énorme et en même temps si abstrait … Des fois, j'aimerais que mon esprit se mette sur pause, qu'il se contente de demander à mes lèvres de sourire.


Marine Sch.

Komentarai


Rejoindre mes abonnés

Merci pour votre envoi !

© 2023 par l'Amour du livre. Créé avec Wix.com

bottom of page